IRRATIA

Saint-Palais : elle réinvente l’art funéraire basque

L’artiste Anne Martiréné est au chevet des familles de toutes confessions dans leur projet de monument funéraire.

 

Le Pays Basque est connu pour son art funéraire. (Larrazkena)

Une stèle discoïdale n’est pas que la juxtaposition de symboles. Elle est unique : une pierre vivante à l’image du défunt. Graphiste et typographe formée à l’école Estienne à Paris, Anne Martiréné, native de Saint-Palais, s’approprie une part de son patrimoine basque en concevant et créant sur mesure des stèles discoïdales.

Son enfance est bercée de coutumes, d’art et d’artisanat. Son père, féru d’histoire de l’art et du riche savoir-faire des artisans basques, lui fait découvrir les stèles discoïdales. Ces monuments, plantés en terre à la verticale, présents dans de nombreux cimetières, la fascinent. Ce n’est que plus tard qu’Anne Martiréné en com-prend le sens véritable et profond : l’unicité de la stèle discoïdale, son vocabulaire et sa symbolique pour la personne qui n’est plus et pour ceux qui restent.

“Un étranglement très instinctif”

“En 2022, j’ai pris le temps de réfléchir à toutes mes créations et à la relation clientèle que j’avais eue tout au long de mon parcours professionnel en tant que directrice artistique. Une sorte de bilan, comme un inventaire de vie. Et en m’interrogeant sur ce qui m’avait le plus apporté ces dernières années, j’ai mis le doigt sur la stèle discoïdale que j’ai réalisée pour mes parents en 2019”, raconte Anne Martiréné. À leur décès, créer une telle pierre funéraire n’a pas été tout de suite une évidence. Mais elle se souvient que, quand elle s’est lancée dans le projet, “cela a été étrangement très instinctif”.

Faute d’indications claires et de souhaits véritablement exprimés par ses parents, elle est allée puiser dans leur histoire. Née d’une mère bretonne et d’un père basque, elle a dû développer un langage artistique propre pour que la pierre les raconte le plus justement possible : deux êtres unis, et à la fois distincts par leur culture. “De manière absolument libre, me détachant des caractères traditionnels, j’ai conçu une stèle discoïdale sur laquelle la croix basque, le triskel et une symbolique aquatique se conjuguaient. Il était là, leur récit de vie à tous les deux”, témoigne l’artiste.

Portée par cette rencontre entre l’hyper moderne et le très ancien, Anne Martiréné a travaillé avec passion sa réalisation. Et avec le concours d’une entreprise familiale de gravure depuis six générations à Irissarry, elle l’a achevée. Les connaissances des membres du centre d’interprétation Harriak Iguzkitan de Larceveau consacré aux stèles discoïdales et à l’art funéraire basque l’ont également guidée. Tout comme les pages du livre de Louis Colas, La Tombe basque, qu’elle considère être “une référence extraordinaire de savoir”.

Accompagner les familles

Anne Martiréné a donné vie à Larrazkena, du nom de la maison basque de ses grands-parents, pour accompagner les familles, croyantes ou non, souhaitant raconter sur la pierre l’existence d’un être cher décédé. Elle s’adresse également à ceux qui, toujours vivants, anticipent l’éternisation de leur passage sur Terre.

Par son travail de figuration symbolique du défunt sur la pierre, Anne Martiréné donne à la mort une place essentielle au milieu des vivants. “Ce qui m’intéresse dans les stèles discoïdales, c’est de créer un art funéraire pour une culture vivante. En d’autres mots, rendre vivante l’Histoire” s’explique-t-elle. Avant d’ajouter “car il est important de savoir qu’une stèle n’est pas la dernière demeure mais le prolongement de la maison des vivants”.